ETRE PROPRIÉTAIRE D'UN OUVRAGE HYDRAULIQUE

21/10/2022
ETRE PROPRIÉTAIRE D'UN OUVRAGE HYDRAULIQUE

ETRE PROPRIÉTAIRE D'UN
OUVRAGE HYDRAULIQUE

Historiquement, la France s'est attachée à domestiquer ses cours d'eau. L'utilisation de la force hydraulique par des moulins pour répondre à des besoins économiques a façonné nos paysages. Troisième patrimoine de France, les moulins qui font partie intégrante de nos paysages, ne sont plus tous en activité, loin de là. Quelle que soit la date à laquelle un moulin a été édifié, son impact sur le milieu aquatique est réel et variable selon ses caractéristiques et le cours d'eau sur lequel il a été bâti.

Aujourd'hui, les moulins doivent s'adapter à la mutation de notre société, certes, mais aussi et surtout aux nouvelles contraintes environnementales. Leurs propriétaires doivent prendre pleinement conscience des droits, mais aussi des devoirs qui leur incombent.

Qu'est-ce que c'est ?

Le complexe hydraulique, correspond à l'ensemble des ouvrages (seuils, vannes, moulin...) permettant le maintien d'un niveau d'eau.

Le moulin à eau quant à lui est l'installation permettant la transformation de l'énergie cinétique (vitesse) et/ou potentielle (hauteur de chute) du cours d'eau en énergie mécanique

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Au delà du moulin en lui-même, le complexe hydraulique est généralement composé de plusieurs éléments artificiels, indissociables de l'ouvrage principal et répartis sur 3 zones: 

  • Zone 1 : Zone de répartition des débits
  • une prise d'eau dans la rivière, dont le volume entrant dans le bief d'alimentation est régulé par un seuil fixe ou un premier vannage

  • Zone 2 : Zone d'alimentation du moulin
  •  un canal d'amenée, il difflue du cours principal de la rivière en direction du moulin.
  • un canal de décharge, dont l'entrée est régulée le plus souvent par un seuil fixe (déversoir) ou par un vannage de décharge.

   Nota: Plusieurs bras de décharge peuvent être présents au sein du complexe hydraulique.

  • Zone 3 : Zone de production d'énergie
  • une vanne ouvrière, permet la régulation de l'entrée d'eau dans le moulin. Elle peut être facultative si le vannage de décharge assure ce rôle.
  • un moteur hydraulique (turbine ou roue)
  • un déversoir de sécurité, permet d'éviter l'inondation du moulin en cas de forte crue. Il n'est pas toujours présent.
  • un canal de fuite, permettant le retour de l'eau du moulin à la rivière.

Bien sûr, cette configuration reste de principe et est bien souvent modulée selon le contexte :

  • moulin au fil de l'eau : l'ouvrage a été aménagé directement sur le cours d'eau, la rivière est alors à la fois le canal d'amenée (en amont du moulin) et le canal de fuite (en aval du moulin).
  • cours d'eau perché : si c'est le cours d'eau qui a été totalement déplacé à flanc de coteau pour créer une chute avant de rejoindre son lit naturel ; alors le moulin est au fil de l'eau. Dans la plupart des cas c'est le bief d'alimentation qui est perché.
  • une dérivation de chute : une partie du débit du cours d'eau a été dérivé de son lit naturel pour créer une chute

Les vannages sont considérés comme étant des propriétés privées. Etre propriétaire d’un vannage alloue des droits mais implique aussi des devoirs et obligations.

Les droits

Droit d'usage de la force hydraulique

  • Droit fondé en titre sans limite de durée

Pour tous les moulins antérieurs à la Révolution Française, reconnus utiles et nécessaires, le droit d'utiliser l'énergie hydraulique est reconnu et dit "fondé en titre".

  • Droit d'eau sans limite de durée

Les moulins antérieurs au 16 octobre 1919 et d'une puissance de moins 150 kW possèdent un droit d'eau sans limite de durée. Toutefois, le règlement d'eau peut être modifié ou abrogé pour des raisons relevant de l'intérêt général (art. L124-4 et L215-10 du code de l'environnement).

  • Droit d'eau révisable

Les ouvrages hydrauliques postérieurs à 1919 ou ayant fait l'objet de modifications administratives après cette date sont soumis à des autorisations administratives limitées dans le temps. Leur droit d'eau est révisable à chaque renouvellement d'autorisation.

Droit de pêche (Art L.435-4 et R. 435-34 à 39 du code de l'environnement)

 Il appartient au propriétaire riverain jusqu'aux limites de sa propriété.

Ce-dernier peut alors: 

  • interdire la pêche
  • utiliser son droit à condition de s'acquitter de la cotisation pour la pêche et les milieux aquatiques
  • céder son droit à une AAPPMA
  • vendre son droit de pêche

En revanche, il ne peut pas introduire d'espèces exotiques envahissantes ou non représentées a-priori.

Droit de propriété (Art. L.215-2 du code de l'environnement)

La propriété du cours d'eau est une propriété foncière, elle ne s'applique pas à l'eau (Art. L210-1 du code de l'environenement).

Droit d'extraction des matériaux (Art. 215-2 du code de l'environnement)

L'extraction de matériaux, soit l'enlèvement des matériaux composants le substrat de la rivière ne s'applique qu'à l'intérieur des limites de propriétéet sous conditions:

  • l'extraction n'impacte pas le régime des eaux
  • l'extraction est autorisée suite au dossier déposé au titre de la rubrique 3.2.1.0 de l'article R.214-1 du code de l'environnement auprès de la Direction Départementale des Territoires.

Droit à un usage préférentiel de l'eau (Art. 644 du code civil, Art. L214-2 et R.214-5 du code de l'environnement)

 Le propriétaire peut prélever dans la rivière au regard des conditions suivantes:

  • respect du débit réservé
  • respect des volumes maximals de prélèvement soit 1000 m3/an hors autorisation préalable des services de la police de l'eau.

Les devoirs

Devoir d'entretien

Extrait de l’article L215-14 du code de l'environnement : « Sans préjudice des articles 556 et 557 du code civil et des chapitres Ier, II, IV, VI et VII du présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d'eau. L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »

De même, tout ouvrage hydraulique doit être maintenu en état de fonctionnement ou, a minima, en position la plus apte à respecter l'environnement. Les différents seuils (de prise d'eau, de décharge et ouvriers) doivent être maintenus aux bonnes cotes. Conditionnant la bonne répartition des eaux dans les différents bras, ils garantissent en effet le bon fonctionnement de l'ouvrage. Les embâcles doivent être systématiquement retirés des seuils, déversoirs et vannes.

Devoir de maintien du débit réservé

Depuis le 1er janvier 2014, le débit minimum qui doit être maintenu dans le lit naturel de la rivière représente au moins 10% du débit moyen. Le propriétaire doit donc avoir maintenu des vannages fonctionnels pour pouvoir garantir ce débit.

Le respect du niveau légal implique une surveillance permanente.

Devoir de préservation du patrimoine piscicole

Le propriétaire est tenu de garantir le maintien de la vie piscicole et aquatique sur sa propriété.

Devoir de prévention des pollutions

En cas de pollution et de mortalité piscicole observées sur sa propriété, le propriétaire est tenu d'informer la gendarmerie, la préfecture, l'Office Français de la Biodiversité, la Fédération de pêche ainsi que le SBV4R afin qu'une intervention rapide puisse être engagée pour circonscrire la pollution et en déterminer la source.

Devoir d'accessibilité (Art. L.212-2-2 et L.215-18 du code de l'environnement)

 L'accessibilité des installations et de la rivière doit être garantie pour les agents en charge de la police de l'eau.

Devoir d'information (Art. L.512-15 du code de l'environnement)

Le propriétaire est tenu d'informer les autorités compétentes, notamment le Préfet, lorsqu'intervient une modifictation substantielle de la constituante légale, au minimum 15 jours avant sa réalisation.

Devoir de gestion

La gestion des vannages d'un moulin vise à réduire au minimum son impact sur le cours d'eau et ses conséquences sur les biens et les personnes, en amont comme en aval. Ainsi, un ouvrage hydraulique dont les vannes sont manipulées correctement ne peut produire d'inondations par lui-même. La réglementation ou la connaissance ancestrale ont veillé à ce que, vannes levées, un ouvrage laisse passer les plus hautes eaux. L'ouvrage hydraulique est dit "transparent".

Là encore, ce devoir de gestion implique une surveillance permanente. En cas d'absence, les vannes seront maintenues en position haute. Mais le propriétaire devra aussi s'assurer qu'aucun embâcle n'obstrue les vannes et que le libre écoulement des eaux soit respecté. Il devra donc s'assurer qu'une tierce personne surveille ses ouvrages en son absence, à tout moment.

Enfin, toute ouverture de vannes nécessite une coordonnation pour éviter les dégâts pour les autres utilisateurs : associations de pêche, associations de loisirs...

Le respect des arrêtés préfectoraux

  • En été

Selon le niveau des eaux à l'étiage, les Préfectures peuvent également prendre des arrêtés limitant l'utilisation de l'eau des rivières.

  • En hiver

Pour l’ouverture des vannes, se référer à l’arrêté hivernal d’ouverture des vannages, envoyé de façon dématérialisée par la DDT 28 et consultable sur :
http://www.eure-et-loir.gouv.fr/ 

ou par la DDTM 27.

Le principe à retenir est l’ouverture d'au moins une vanne pendant toute la période de gestion hivernale des vannages.

  • En période de crue

Quotidiennement, il convient de consulter Vigicrues, le site de la préfecture d’Eure-et-Loir ou de l'Eure et se tenir au courant des niveaux d’alerte météorologique et ouvrir de façon progressive les vannes.

La manipulation des vannages en période de crue est définie par arrêté préfectoral du 18/11/2002 pour l'Eure-et-Loir, dont voici des extraits :

« Article 1 : Les propriétaires d’ouvrages installés sur les cours d’eau ou sections de cours d’eau non domaniaux, ou leurs ayants droits, sont tenus d’ouvrir les vannes de décharge tant que le niveau d'eau est supérieur au niveau légalement établi, jusqu'à ouverture maximale.

Article 2 : Les propriétaires d’ouvrages installés sur les cours d’eau ou sections de cours d’eau non domaniaux, ou leurs ayants droits, devront manœuvrer les vannes de décharge de manière progressive afin de ne pas causer de dommages aux personnes et aux biens situés à l'aval.

Les propriétaires d’ouvrages sont donc responsables de leur vannage et doivent manipuler les vannes de manière progressive en cas de crue. »